Théâtre. ( Avril )

                                 

   

       Théâtre.


Trois, deux, un

Place aux comédiens !


Écrit Par : Mona Magdalany.

                                                        Consultante en systèmes éducatis et formations

                                                        Co-Présidente - Comité FESTIF - ARTDRALA

                          Auteure et metteure en scène



Publié au : Progrès Égyptien le 18 avril 2018.



Il suffit de changer de place, quitter les sièges du public et … hop … sur scène pour que tout change.
Là, ça peut crier, ça peut chanter, ça peut hurler, ça peut pleurer, ça peut pousser  des éclats de rires, ça peut aimer, exprimer sa peur, sa fatigue, sa révolte, son impuissance … ou … se taire et laisser parler son corps : on se recroqueville, on rampe, on tombe, on saute, on va vite, au ralenti, … ou … on se fige et on laisse parler ses yeux où peuvent vivre la déception, la joie, l’hésitation, l’envie, la terreur, l’arrogance, la séduction, la colère et …
Là ça respire, là on est libre. Là pas d’étiquette ; on ne craint pas le regard de l’autre bien qu’on soit des dizaines, voire centaines d’inconnus. Là, pas de tabous ; on est protégé par l’imagination et la création, protégé par son personnage … Oui, l’ironie du sort fait que le personnage représente la protection et la sécurité à la personne et, que le fictif assure les garanties dans la réalité.
La vie sur les planches permet donc de se dépasser, de découvrir en soi des compétences inconnues et inexploitées. Et la vie sur les planches suppose bien entendu un « before » et un « after » » : découvrir « before » le monde de son personnage et son statut, entrer dans sa peau, se mélanger à lui, adopter le caractère de son personnage et lui donner sa vie … et s’en séparer « after » pour se voir évaluer et pouvoir s’auto évaluer, repartir dans sa vie réelle avec de nouvelles dimensions, de nouvelles perspectives, bref une nouvelle vision.
Que l’on soit enfant ou adulte, que ce soit la première ou la énième fois, que l’on soit amateur ou professionnel, le théâtre restera magique, voire énigmatique, dans ses effets sur celui qui frappe à sa porte, qui ose passer derrière ses rideaux, qui franchit le seuil de ses coulisses.
La première expérience sur scène dont je me souviens était en 4ème primaire (CM1), j’étais la narratrice du « Petit coq noir ». Mais la plus marquante était en 1ère secondaire, (2nde) celle d’Eugène, l’interprète de « l’Anglais el qu’on le parle ».
Comme si je me découvrais … « Ah tiens ! je fais ce déplacement du côté cour au côté jardin, je traverse 6 mètres tout en interprétant une tirade sans inhibition et en plus je provoque un rire, un rire des pairs et  aussi des adultes parents, enseignants et des sœurs religieuses ! »
Comme si les applaudissements marquaient mon histoire de 16 ans vécus et je ne sais combien d’années à vivre.
Cette pièce de Tristan Bernard fût LA PIÈCE de ma vie.
Après maintes montées sur scène, en français, en arabe et en anglais, j’ai savouré cette pièce de l’autre côté de la barrière, étant pour la 1ère fois metteur en scène responsable d’une troupe d’élèves en 2002.
L’expérience de la mise en scène m’a permis de me voir reproduire par l’élève qui redonnait vie à Eugène ; cette inversion de rôle, tout en gardant le moment euphorique voire paradisiaque de la réception des applaudissements et des expressions à chaud de l’avis du public, a élargi mes horizons émotionnels. Monter une pièce de théâtre, c’est voir des jeunes se transformer : le réservé trouve les canaux de communications garants dans l’esprit de groupe, le timide casse sa coquille de peur, le « paresseux » se trouve impliqué et motivé, l’artiste se voit naître aux yeux des autres et s’élance, le rêveur ose réaliser et concrétiser ce qui lui était abstrait.
Monter une pièce de théâtre c’est responsabiliser, faire positivement dépenser de l’énergie, c’est pousser à grandir.
«Le théâtre forme ma personnalité, je m’exprime mieux, j’ai plus de confiance en moi-même, je ne crains pas un public important en nombre et en âge, je multiplie mes informations et mes connaissances, je me découvre et je découvre l’autre. En plus, c’est l’occasion de pratiquer la langue française en dehors du cadre défini du programme scolaire», témoigne Sandra Sarwat, élève en 3ème préparatoire au bout de 3 ans de théâtre.
« Passion, liberté, confiance, peur, joie, larmes et gloires ... C’est au théâtre seulement que je peux continuer à vivre et revivre ces sentiments contradictoires pour toujours. Après 11 ans de théâtre comme comédienne, puis co-écrivaine, coordinatrice et metteur en scène et enfin animatrice d’atelier de théâtre … je peux dire que c’est le théâtre qui donne goût à ma vie. » Confirme Yasmine Hassan, diplômée de DFGA, 23 ans.
Ça, c’est également valable pour l’adulte qui fait du théâtre, oui ! On continue à grandir, on ne cesse d’évoluer : de nouveau l’Anglais tel qu’on le parle : Mais cette fois-ci, animatrice de troupe d’enseignants … et la 3ème dimension de cette œuvre artistique dans ma vie théâtrale ; œuvre qui ne vieillit pas grâce à sa petite histoire : quiproquos comiques provoqués par les mauvaises communications, grâce à son humour venu du cliché Anglais-Français et à ses personnages simples à incarner, œuvre qui a inauguré les 3 dimensions dans mon expérience de théâtre : enfant comédienne, metteur en scène pour enfants et metteur en scène pour adultes.
C’était vraiment à voir combien c’est plus difficile à un adulte de quitter son prestige, son statut, son sérieux… , combien c’est stressant de se libérer des menottes virtuelles de son image sociale – qu’elle soit choisie ou obligée, combien c’est pesant d’établir un contact visuel ou un contact physique avec autrui quand l’âge adulte a fait qu’on limite son existence à « ce qu’il faut » ce qu’il ne faut pas ».
Mais vive les planches ! Tout s’écroule devant l’invitation dévastatrice  du dieu théâtre !

Tout au long de mes 15 ans d’écriture et de mise en scène de théâtre scolaire, je recherchais le moment de stabilité, le moment où la leçon serait apprise comme un cours en classe et où la préparation d’une pièce serait mécanique.
Et le théâtre refuse de se figer. J’ai compris enfin que chaque pièce est une aventure, une créature qui naît, respire, se développe, évolue, mûrit et trouve la fin à son histoire mais jamais la fin aux possibilités de ses interprétations.
Pendant la production, je la surveille, la sent, l’écoute, la déguste … et ça parle … ça vient dans les rêves, ça interrompt des réunions professionnelles … ça intervient dans des échanges amicaux … ça saute devant les yeux comme si les Muses du XVIIème siècle revenaient entourer les créateurs de théâtre.
Et vient le moment de la première ! On pâlit, on halète, on se dépêche, on se bouscule, on regarde par derrière les rideaux ces créatures monstrueuses qui viennent nous causer le trac et des blancs de mémoires, on se rappelle les exercices de relaxation, les exercices de concentration …. Mais ….
BOOM … BOOM … BOOM …
Le rideau se lève, la personne inquiète s’évapore et le personnage vit dans tous ces éclats pour finir par disparaître mais laisser son effet, son impact sur la personne pour toujours.

… Et ce n’est pas fini, une autre représentation de la même pièce réserve que de surprises et du nouveau vécu.
… Et ce n’est pas fini, la proposition d’une nouvelle pièce chatouille les oreilles.
… Et ça redémarre avec plus d’envie, plus de curiosité, plus d’énergie, plus de soif aux rires du public, à leurs applaudissements, à leurs appréciations …
Molière n’avait-il pas raison quand il cherchait à plaire ?



Photo: Hani Sawires. 


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