Article Histoire التاريخ (Septembre )
Histoire
Montmartre en ce temps-là
Écrit par : Dr. Yasmine HAGGAG.
Maître de conférences.
Département de Langue et
de Littérature Françaises.( DLLF )
Faculté des Lettres.
Université d'Alexandrie.
Montmartre ! Qui est allé à Paris sans passer par l’adorable quartier
de Montmartre ? Sans visiter la
Basilique du Sacré-Cœur qui veille sur Paris du haut de la Butte ? Ou la Place
du Tertre qui fait rêver les peintres et les amoureux de l’art ? Ou encore
les cafés qui donnent sur les belles ruelles pavées de pierres ? Ou les
cafés-concerts qui renouent avec l’ambiance des plus célèbres cabarets d’autrefois ?
Qui n’a pas cherché, en parcourant Montmartre, à revivre la Bohème chantée
par Charles Aznavour ? La réputation montmartroise n’est sûrement pas sans
fondement. L’histoire de la Butte a contribué à cette passion que beaucoup
partagent pour la légende de Montmartre. Cette histoire, que nous allons
découvrir ensemble, n’est pas uniquement celle plus connue de la bohème
artistique mais aussi, elle est révélatrice de secrets moins connus de tous.
Saviez-vous que Montmartre n’a pas toujours fait partie de Paris ? Qu’il a
d’abord abrité les marginaux et les voleurs ? Saviez-vous que le Moulin
n’est pas qu’un simple nom de cabaret et que la Basilique du Sacré-Cœur est une
construction récente ? Peut-être
que vous le saviez ! Pour éclaircir ces mystères et bien d’autres,
voyageons au fil du temps dans une promenade aux labyrinthes de Montmartre.
Le Maquis
La Butte n’est qu’une périphérie champêtre qui surplombe Paris quand, à la
moitié du XIXème siècle, son sort est décidé suite à la révolution urbaine
aménagée par le baron Haussmann. A cause des travaux qui bouleversent la ville,
beaucoup de pauvres ne trouvent plus leur place au cœur de Paris et cherchent un
abri en haut de la Butte. Montmartre se transforme en une sorte de bidonville
construit de cabanes en bois. Il abrite tous les infortunés y compris les
hors-la-loi qui se cachent bien dans les dédales du maquis.
La Commune
En 1871, un épisode de la Commune de Paris éclate à Montmartre et le lie à
jamais à l’histoire de cette lutte sanglante du peuple. C’est l’insurrection
des Montmartrois et des Montmartroises contre l’armée venue confisquer les 200
canons achetés par souscription populaire et placés pour défendre les
Parisiens. Cris, coups de feu et de canons, la Garde nationale unie au peuple, fraternisant
avec des soldats opposés à l’armistice, alors que le gouvernement retiré à
Versailles et ses troupes armées acceptent de capituler en faveur de la Prusse…
Tous ces maillons forment la chaîne d’un épisode historique qui remet
Montmartre au centre de l’attention.
Le Sacré-Cœur
Une fois la Commune terrassée, les pertes, le sang, les souvenirs des
malheurs de guerre, la faim et la pénurie ramènent les Français vers Dieu pour
racheter les péchés qui leur ont coûté si cher. Les travaux dédiés à l’édification
d’églises se multiplient. Et le « Mont des martyrs » qui, selon
Sainte-Geneviève, a témoigné du martyre de Saint-Denis, et qui déjà à l’époque
gallo-romaine, était dédié aux dieux Mars et Mercure, est choisi comme site digne
de la Basilique du Sacré-Cœur. Par un « Vœu National » en 1872, la
promesse de « l’érection, à Paris, d’un sanctuaire dédié au Sacré Cœur
de Jésus » en haut de la Butte annonce la naissance de ce qui formera partie
intégrante du nouveau paysage parisien. En 1874, l’architecte Paul Abadie
remporte le prix du concours public du meilleur projet de la Basilique. Les
travaux commencent en 1875, s’achèvent en 1914 mais la consécration de la
Basilique n’a lieu qu’après la Première Guerre mondiale.
Les Moulins
Avant d’être des lieux de rencontre et de divertissement, les moulins de
Montmartre ont été de vrais moulins qui broient le blé et pressent les
vendanges. N’oubliez pas qu’avant de faire partie de Paris, la zone était rurale.
Les promenades là-haut devenaient fort agréables pour les Parisiens qui
marchaient dans la verdure et profitaient des moulins pour s’arrêter et boire
un verre ou manger une crêpe.
L’histoire du bal du moulin de la Galette peint par Renoir est
particulière. Elle est liée à celle de la famille Debray, famille de meuniers
de longue date. En 1814, les fils Debray et le petit-fils se battent
courageusement contre les Russes qui les attaquent. Ils meurent atrocement sauf
le petit-fils gravement blessé. Pour venger cette résistance inattendue, les
Russes découpent le père du petit en quatre et l’attachent aux ailes du moulin.
La mère Debray vient détacher son fils et elle les enterre tous au cimetière du
Calvaire. Elle pose sur la tombe un petit moulin en souvenir de la tuerie. Le
petit-fils survivant, devenu invalide, mais qui adore la danse et le vin,
décide de mettre en place entre deux de ses moulins, le Radet et le Blute-fin,
un bal : celui du Moulin de la Galette, où l’on peut déguster bon pain et
bon vin. Ce bal gagne en popularité. Il est loin d’être tragique.
La Bohème
A la fin du XIXème siècle, la gaieté est dans l’air. Aux côtés du Moulin de
la Galette, le Moulin Rouge, les Folies-Bergère, le Lapin Agile, le Chat noir,
les cabarets de Montmartre font sensation. Les artistes et les écrivains se
réunissent, échangent et vivent dans les ruelles de Montmartre, dans ses
maisons, dans ses cafés et ses cabarets. Au Lapin Agile, dont l’enseigne est
peinte par le caricaturiste André Gill (Lapin à Gill), se croisent Carco,
Apollinaire, Courteline, Max Jacob, Renoir, Utrillo, Modigliani, Braque,
Picasso et tant d’autres. Toulouse-Lautrec peint les affiches du cabaret Le
Divan Japonais, il immortalise la danseuse connue sous le nom de « La
Goulue » et les bals du Moulin Rouge. Le French cancan est à la mode. Le
Bar des Folies-Bergère est peint par Manet, Maupassant en décrit les clientes
dans « Bel Ami », Zola y trouve l’inspiration pour décrire
« Nana ».
Quant au Chat noir, il est d’abord une salle de théâtre d’ombres dont les
spectacles remportent un vif succès. Le fondateur, Rodolphe Salis, en le
construisant, a dû trouver un chat noir dans le chantier ou peut-être s’est-il
inspiré du conte d’Edgar Allan Poe. Dans les deux cas, le nom lui porte bonheur
et l’affiche conçue par Théophile Alexandre Steinlen est l’un des grands
moments de l’histoire de l’art. Peu après, Salis déménage dans un local plus
spacieux et raffiné. Chez lui, Aristide Bruant, Picasso et les autres suivent.
Dans le calme de leurs ateliers,
Suzanne Valadon pose pour Renoir, son fils Maurice Utrillo devient peintre
comme elle l’est devenue. Dans les murmures des cafés, les impressionnistes suggèrent
à Van Gogh une nouvelle technique de peinture. Dans les coins inaperçus, les
marmots de Montmartre deviennent les « P’tits Poulbots » du
dessinateur Francisque Poulbot, emblèmes de la vie misérable mais joviale des
petits enfants du quartier.
Au XXème siècle, Montmartre change encore. La Basilique dans toute sa
splendeur et la légende attrayante de la Butte entraînent beaucoup
d’investisseurs et de propriétaires à acheter des terres et à bâtir des villas
et des propriétés de différents types. L’urbanisation met fin au maquis.
Pourtant, jusqu’aujourd’hui, Montmartre mêle la joie de vivre à la simplicité
et le mythe à la réalité. Visiter Montmartre, c’est se sentir libre et heureux.
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