Pédagogie. ( Juillet )
Démotivation Scolaire ?
Soyons visionnaires !
Écrit par: Mona Magdalany.
Photo : Hani Sawires
- - Je veux pas aller à
l’école.
- - L’école, c’est pour
rencontrer mes amis.
- - Oui, j’avais la tête
ailleurs pendant qu’il expliquait.
- - La note, je m’en fous.
- - Copier les devoirs,
c’est plus efficace que de les faire !
Qui de nous n’a pas dit au moins une de ces phrases pendant que nous étions
élèves ? Qui de nous – adultes – n’a pas entendu au moins une de ces
phrases de son enfant ou d’un mineur de son entourage ? Qui de nous –
enseignants - n’a pas fait face à ces phrases et leurs équivalents des dizaines
ou même des centaines de fois pendant sa mission ?
Pourquoi cette démotivation ? Renoncement passif. Non-communication. Rupture.
Incompatibilité. Refus. Rejet. Passivité. Phobie, Incapacité, Indifférence.
L’élevé vit alors un rapport négatif à l’école.
Sachons d’où vient ce rapport négatif.
Tout d’abord, la notion de
l’obligation scolaire, notamment les horaires scolaires, l’uniforme, le
règlement intérieur, le programme scolaire et …. fait l’objet d’une imposition et met l’élève
dans la case spectateur, récepteur et provoque le rejet de l’école. Qui dit
rejet de l’école, dit retrait d’investissement de son énergie dans les
consignes de classe.
Ne faut-il pas que l’adulte se
rende compte combien les obligations frustrent les élèves afin qu’il essaye de
leur trouver des marges légitimes de liberté et d’activité ?
Vient ensuite la classe, lieu
d’incompréhension. L’enseignant considère que son travail est de restreindre ou
d’empêcher la communication élèves - élèves, de figer les relations enseignant
– élèves, de favoriser les papiers, les notes et le programme aux dépens du
facteur affectif. Le fonctionnement de la classe tourne autour de l’attitude,
de l’action et des aptitudes de l’enseignant, monopole de toute parole, action
et décision.
Quel espace laisse-t-on pour
que l’apprenant se sente compris, voir présent ? Quoi de mieux pour sombrer
dans sa démotivation ?
Puis, le risque de l’échec
bloque l’envie et l’aptitude de l’élève à se lancer dans un travail scolaire.
Il se contente alors de suivre le train – train des exigences scolaires pour
éviter l’échec et perd – en cours de route – le plaisir, s’il avait jamais
existé ; éviter l’échec étant éviter le regard humiliant de l’autre à
l’école et les réactions désagréables en famille.
L’école ne fait-elle pas ainsi
de la réussite sur le papier la priorité aveuglante des apprenants qui se
désintéressent, par la suite, de tout slogan chantant culture, communication,
épanouissement ?
N’oublions pas, d’ailleurs, que
le rapport de la famille à l’école selon son parcours dessine le graphique de
la motivation de l’enfant. Des parents qui ont quitté l’école normalise l’échec
d’où le « laisser-faire » de leurs enfants. Des parents qui ont vu
que l’école est un passage obligé pour un avenir professionnel ne comprennent
pas la valeur des cours de sport, d’activités et de projets parascolaires.
Conséquence : l’orientation des enfants est exclusivement conditionnée par
les notes et le verdict professoral. Et les élèves curieux et impliqués
viennent de familles cultivées, équilibrées.
Tout comme, le parcours
scolaire, universitaire et culturel de la famille cause la démotivation des
apprenants, les caractéristiques sociales (divorce, séparation, problèmes
conjugaux ….). L’être humain qu’est l’apprenant arrive à l’école à 7h30 ayant
sur ces épaules tout le poids de sa vie de famille et repart à 14h20 pour la
retrouver. Comment dans un intervalle de 6 heures, l’enseignant pourrait-il
connaître une créature fraiche et dispose en cas de troubles familiaux ?
Pour atteindre ses objectifs
avec ses élèves, l’enseignant a besoin d’explorer et d’assimiler l’enjeu de
leur résistance et de de leur désintérêt. Aucun élève ne changera sous la
pression ou l’obligation ou la peur. Il vaut mieux comprendre l’élève pour
arriver à une meilleure relation avec lui. Il vaut mieux comprendre son
comportement, celui du rejet du savoir ou de l’indifférence plutôt que
l’agresser ou que de se sentir agressé par lui ou culpabilisé en se croyant la
cause de son échec. L’enseignant retourne alors cette culpabilité contre
l’élève sous forme de rejet et de reproches. Conséquence : culpabilité –
agression – reproche tournent en rond. Plus grave encore, une fois que la
tension s’est installée entre l’enseignant et l’élève, tous deux souffrent et
toute évolution devient impossible.
La démotivation n’est donc pas
signe de mauvaise volonté ou rejet de l’autre, c’est ce que l’enseignant doit
décoder et c’est ce qui l’aidera à décrisper la relation : Il suffit que
l’enseignant le regarde autrement, lui parle autrement et la tension tombe.
Comment l’enseignant
pourrait-il « regarder autrement » l’élève ?
Pour qu’un enfant soit
disponible à l’apprentissage, quels besoins plus fondamentaux que la curiosité
intellectuelle doivent être satisfaits ?
Nombreuses sont les théories qui expliquent les besoins : FENOUILLET et
la théorie de V.I.E, la théorie de l’auto- détermination (TAD), la pyramide des
besoins de Porter, celle de Maclleland et celle de MASLOW, la plus répandue et celle
que je trouve la plus pratique.
Survolons l’étude des besoins selon Maslow
Selon lui, les besoins peuvent
être regroupés en cinq catégories principales hiérarchisées de sorte qu’un
besoin supérieur ne s’exprime que lorsque les besoins du niveau immédiatement
inférieur sont satisfaits. Cette théorie se résume bien dans le dicton :
« ventre vide n’a pas d’oreilles ». Le besoin physiologique n’est pas
adéquat dans le contexte de la vie scolaire. Assurons à l’élève la sécurité –
niveau 2 -, il pourra appartenir et répondre aux engagements de l’appartenance,
niveau 3. Invitons-le à appartenir, il pourra dessiner positivement son
image : besoin d’estime – niveau 4. Estimons-le, il arrivera au sommet, le
besoin de s’accomplir – niveau 5, où l’on trouve créativité, production et
élan.
Dans un climat d’insécurité, de
non-appartenance, de non-reconnaissance, il sera impossible de trouver un élève
motivé qui cherche à se réaliser et capable d’influencer son travail.
En d’autre termes et plus concrètement,
assurons à l’élève quelques garanties et suivons les résultats.
Il faut à l’élève des garanties
émotionnelles.
Satisfaisons son moi social !
Satisfaisons son moi
social qui se nourrit de « coopérer », de « faire
ensemble », de « gérer ensemble » et d’« interagir ».
Il vaudrait mieux investir ce besoin dans le cadre du travail en commun, sinon,
il se transformera en énergie négative de perturbation, de résistance et de
délinquance. Rares sont devenus les élèves qui supportent la marginalisation et
l’anonymat à l’école. Ils rêvent à se sentir utiles au sein d’un groupe
d’appartenance.
Le rejet de l’école vient du
fait qu’ils ne supportent pas qu’elle ignore leurs existences et leurs besoins.
Satisfaisons son moi ludique !
Rien n’est mieux que le jeu
collectif et interactif pour entrer dans l’expérience sociale : il offre
coopération, risque, enjeu de gain et de perte, étude des réactions de l’autre.
Aussi, la variété des rôles sociaux qu’offrent les jeux et notamment les jeux
de simulation facilite la projection dans l’avenir et parfois la retrouvaille
du plaisir d’enfance.
Je cite DELANNOY dans La
motivation. Désir de savoir, décision d’apprendre :
Problèmes posés sous forme
d’énigmes, de devinettes, défi-lecture, jeux de questions-réponses avec
éliminatoires et rattrapage, tournois interclasses … bien des situations
pourraient être mises en place pour créer dans la classe une ambiance à la fois
ludique et stimulante.
Satisfaisons son moi réussi et
confiant !
On entend dire
souvent : « Il réussit dans telle discipline parce qu’il est
motivé ». Il serait, en fait, plus juste de dire : « Il a
développé une motivation durable pour telle discipline, parce qu’elle lui a été
occasion de réussite ». Chez chacun de nous, le besoin d’estime de soi, le
narcissisme, sont tels, que fréquemment nous aimons ce que nous savons faire et
rejetons ce qui nous met en échec.
Certes, la réussite nous valorise à nos propres yeux et aux yeux d’autrui
et procure un enivrant sentiment d’efficacité personnelle. L’enfant lit sa
réussite dans le regard de l’autre et recommence donc ce qu’il a réussi.
Il faut aussi à l’élève des garanties rationnelles.
Montrons la valeur du savoir
comme facteur d’intégration sociale !
Un savoir a du sens pour un
élève qui est valorisé par un de ses groupes d’appartenance : d’abord
celui de la famille puis le groupe des pairs, les « bandes » qu’il
fréquente, enfin le groupe perçu aujourd’hui à travers les médias. Ainsi, les
jeunes sont motivés pour intégrer le groupe du projet qui leur permettra de
fréquenter l’IFE, la BA, le FESTIF…
Montrons la valeur du savoir
comme facteur d’explication du monde !
Pensons lorsqu’on enseigne à
anticiper les situations de réemploi, à attirer l’attention des jeunes sur les
occasions qu’ils auront dans la vie d’utiliser ces savoirs.
Ne serait-il pas plus efficace
de chercher, dans la vie de l’enfant, les situations concrètes où il peut
réinvestir ce qu’il a appris ? Il s’agirait là d’un temps spécifique dans
l’apprentissage, sollicitant imagination et anticipation qui présenterait outre
l’avantage de mieux fixer les savoirs dans la mémoire.
Rendre les savoirs plus solides
et plus opérationnels, c’est le moyen de fortifier la motivation en expliquant
des détails de la vie quotidienne, du monde entourant.
Montrons la valeur du savoir
comme facteur de dessin de l’avenir !
Qui dit intégration sociale et
explication du monde à long terme dit dessin de sa carrière. Le fait de placer
l’élève au centre du système éducatif, l’aide à mieux se connaître afin de
mieux se situer par rapport au monde de travail et de formuler peu à peu un
choix autonome. C’est à partir de ce moment-là que le savoir acquiert un sens
d’appropriation.
Si, et seulement si, la vision
de l’enseignant perçoit ce voyage dans l’univers du mineur,
On arrive à la situation
plaisir d’apprendre – plaisir d’enseigner.
On arrive à une transaction
adulte – adulte.
On arrive au comportement
gagnant – gagnant.
On arrive à l’engagement dans
l’action, dans la relation, dans le résultat, c’est-à-dire à l’implication de
la part de l’élève qui investit son énergie dans le système estudiantine et de
la part de l’enseignant qui aura une marge de liberté d’innovation et de
créativité.
On arrive au sentiment d’appartenance.
La dynamique s’installe, et
hop, elle tourne sans arrêt.
Inspiré de
mon mémoire de
Master
en coordination scolaire
avec l’Université
Saint-Joseph – Beyrouth 2016
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